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Le grand cormoran, oiseau nicheur, ou profiteur ?

Pour commencer, il me semble important de préciser que nous parlerons uniquement de la forme continentale du cormoran, et non du cormoran présent au niveau du littoral. Cette distinction est importante, car seul le cormoran continental est présent dans la région Grand-Est. Le grand cormoran (Phalacrocorax carbo sinensis) se distingue par sa nuque blanche et son pelage qui prend un aspect plus irisé lorsque l’hiver arrive à son terme. Le plumage devient alors vert sombre. Pour ce qui est des juvéniles, ils sont reconnaissables à leur ventre blanc, peu importe l’espèce. Les cormorans sont des oiseaux plongeurs caractérisés par leur comportement opportuniste : ces oiseaux chassent ce qui est facile à chasser. C’est notamment ce genre de comportement qui va faire du tort à l’espèce, et les mener à des conflits avec les pisciculteurs et les pêcheurs de notre région. Ils nichent dans les arbres près des grands fleuves ou des lacs présents au sein de nos régions.





Le Grand Cormoran continental en France :


La majorité des cormorans continentaux qui sont présents en France viennent initialement du Nord de l’Europe. Ils descendent et nichent dans nos régions pour passer l’hiver (on appelle cela hiverner). Pour la petite histoire, les populations de cormorans continentaux ont été grandement affectées par la guerre de 39-45. L’espèce avait quasiment disparu du territoire ! Heureusement, suite à des mesures de protection prises un peu partout en Europe, les effectifs de l’espèce ont pu se stabiliser. Jusque-là, tout va bien; l’espèce se développe et se répand un peu partout en Europe et notamment en France. Bien que le cormoran continental ne soit pas une espèce nicheuse dans notre région, pendant la période d'hivernation, il doit bien évidement se nourrir. Or, comme il a été précisé précédemment, cet oiseau est un chasseur un peu fainéant… Il s’attaque aux proies faciles : les poissons des étangs de pêche et des piscicultures. Le résultat est le suivant : le cormoran est donc accusé de dégradation écologique. Trop opportuniste, il serait à l’origine de la disparition des poissons au sein des rivières françaises. Suite à ces accusations, la France décide de mettre en place un système de régulation de l’espèce en autorisant le tir du Grand Cormoran Continental, alors que l’espèce est initialement protégée. Pourtant, cette mesure ne semble pas impacter l’espèce. On observe une stabilisation croissante des effectifs depuis 1999. L’effectif maximal en France était atteint en 2005 avec 99 270 cormorans dans tout l’hexagone. La France est le pays tuant le plus de cormorans, pourtant, les recensements nationaux indiquent clairement que les effectifs sont tout aussi stables dans les régions autorisant le tir de régulation que dans celle n’autorisant pas le tir de régulation.


Vous pouvez observer deux cartes : celle de gauche présente les régions avec une croissance, une stabilité, ou une baisse du nombre moyen de cormorans. Celle de droite présente la répartition des dortoirs des grands cormorans en 2015.


























Statut juridique :


Le statut juridique de l’espèce est le suivant : le grand cormoran continental fait partie de la liste des oiseaux européens protégés par la directive 2009/147/CE de novembre 2009. Celle-ci concerne la protection des animaux sauvages. Cette dérogation interdit la destruction de l’espèce, mais elle autorise les dérogations dans un but de régulation d’une espèce; c’est ce qu’il se passe en France. L’espèce qui nous intéresse est susceptible de subir des tirs de régulation sur des plans d’eau douce, des rivières, etc. Des quotas sont fixés par le ministre pour chaque département, c’est ce quota qui va définir combien d’oiseaux peuvent être abattus sur le territoire, et ces opérations sont placées sous l’autorité d’un préfet.


Le point de vue de l'opposition :


On ne va toutefois pas jeter la pierre aux pêcheurs et pisciculteurs qui veulent simplement protéger leurs lieux de loisirs et leur production. L’impact des cormorans sur les piscicultures est indéniable : les proies sont facilement accessibles, et surtout, les dégâts sont quantifiables. Une forte densité de cormorans sur un étang peut être à l’origine d’une consommation de biomasse importante, voire même la « mort » de l’étang. Ajoutons à cela le facteur stress de la présence des prédateurs autours de la pisciculture et des chasses qui en découlent. Le tout créé un biais qui peut être à l’origine de la dégradation écologique du milieu. Au final, tout le monde est perdant. Les cormorans sont donc à l’origine de nuisances et de pertes de ressources piscicoles qui sont à l’origine de financements et d’investissements humains.

Or, si les populations de cormorans peuvent être à l’origine de sérieux dégâts, n'existe-t-il pas des méthodes de lutte préventive ?

Bien entendu, des méthodes de luttes ont été mises en place par les pisciculteurs, que ce soit des protections des étangs de productions par le biais de filet, ou bien des refuges pour les poissons au sein des étangs pour qu’ils puissent se cacher des prédateurs. Cependant, ces installations peuvent être couteuses et à l’origine de gêne pour le pisciculteur qui voit sa routine se transformer. Les refuges peuvent rendre les poissons inaccessibles, et certains filets peuvent être percés par les prédateurs… Il existe également des techniques d’effarouchement qui ont pour but de dissuader le prédateur d’approcher, que ce soit par la présence humaine sur la pisciculture (visite de consommateur sur le domaine), ou la mise en place de moyens audiovisuels (divers et variés; on peut trouver des méthodes pyrotechniques comme de la récupération de conserve pour faire des bruits récurrents).


Conclusion :


Encore une fois, ce sujet oppose et les avis divergent. Comme pour le loup, la présence du grand cormoran continental dans nos régions engendre des conflits d’intérêts. Défense de la biodiversité et intérêt personnel ne sont pas toujours compatibles. Ici, l’espèce fait du dégât, mais le tir ne semble pas remplir son rôle de « régulateur » au vu des chiffres cités plus haut. Comme pour le loup, peut-on se lancer dans des méthodes d’élimination d’une espèce qui ne fait finalement que s’adapter aux modifications de la nature faite par l’homme. Après tout, l’artificialisation du territoire modifie les écosystèmes. Si nous adaptons la nature en fonction de nos besoins, pourquoi ne peut-on pas accepter que la nature s’adapte elle aussi ?


Merci d’avoir suivi cet article, n’hésitez pas à réagir via la page Facebook ou les commentaires. En espérant qu’il plaise au plus grand nombre.

A bientôt !


Pour aller plus loin, voici un article de l'ONEMA qui suit les populations de cormorans dans la région Grand-Est : ici.


Ci-joint, un article d'une association qui m'a grandement aidé pour la réalisation de l'article : ici.


Je tiens à remercier également l'association Oiseaux-nature qui m'a apporté de l'aide en me proposant des sources de qualité ! Je vous invite à les contacter pour plus d'informations.

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